Le soleil à peine levé, Fruit de la Passion lève l’ancre, suivi par les trois autres bateaux. Le principal souci était de concilier la sécurité et la poussée du courant marin vers le sud : des intégristes religieux ont tenté de prendre la région pétrolière du Mozambique, et la piraterie régnait de façon dangereuse; récemment, c’est devenu un zone militaire à éviter. Nous avons donc choisi un itinéraire à 45 miles des côtes. Les autres bateaux avaient pris d’autres options. Vent stable, navigation sympathique au portant. Dans la nuit noire, deux plateformes pétrolières noyées de lumière ont coisé notre route. Par la suite nous sommes passés à proximité d’un volcan sous-marin quasi émergeant sur un fond de plus de 2.000 mètres. A la sortie de la zone dangereuse, les caprices de la météo nous ont orientés vers les Ilhas Primairas, où Fruit de la Passion a jeté l’ancre. Mouillage pas très confortable mais sûr, derrière un îlot de sable blanc « Pugapuga ». Épuisés par plusieurs jours de navigation nous étions un peu perplexes en voyant un groupe d’individus s’agiter sur l’îlot. Cérémonie religieuse, bandits en fuite ? Le groupe manifestait avec des gestes incompréhensibles. Pour finir il s’agissait d’un retour de pêche ; ils voulaient nous vendre les langoustes que nous n’avons pu acheter n’ayant pas de monnaie locale. Ils nous ont demandé un bouteille d’eau potable.


L’étape suivante était Bazaruto, île plus importante, étape classique des bateaux qui descendent l’Afrique où qui passent le canal en provenant de Madagascar. Quatre vingt voiliers étaient dans la zone, mais l’océan est tellement vaste que nous n’avons vu personne. A l’approche de cette île le routeur nous propose un direct sur Richards Bay. Une météo favorable aurait dû nous pousser allègrement, mais les caprices de la nature en ont décidé autrement : le génois tangonné a été pris à contre par un vent subit de 25 / 30 Nœuds. Bilan : génois déchiré, tangon hs, un hublot en miettes. Toujours sur le plan de la casse, un galhauban est devenu mou. Nous pensions à une rupture, et la navigation s’est poursuivie sans grand voile, au génois avec un appui moteur par moments. En fait il s’agissait d’un simple affaissement des barres de flèches que de jeunes navigateurs français n’ont pas manqué de nous signaler au port.

Des passagers clandestins, nous ont accompagnés durant ce voyage : passons sur les mites alimentaires ; une petite
langouste a choisi notre puits de dérive comme domicile à Dar Es Salam, et nous a accompagnés en tout cas jusque
Pugapuga, et peut-être encore actuellement, mais vu les crocodiles dans la baie…

Vous est-il déjà arrivé en naviguant sur de grands fonds (2000 m ) d’observer un subit changement de profondeur entre 15 et 2 mètres ? Ce sont de mammifères marins qui passent sous le bateau. Par temps calme, portés par des courants ce phénomène s’est produit lors d’un après-midi guitare : le mammifère marin est resté durant 45 minutes sous le bateau, et s’en allait lors des pauses ; imaginons qu’il soit sensible à la voix ou au rythme de la guitare ?

Arrivée tant attendue à Richards Bay, bouée au Yacht Club puis attente aux « international moorings » au bassin de la capitainerie. Accueil sympathique en particulier de l’association OSASA, Ocean Sailing Association of South Africa, et sa présidente, Jenny. Après avoir affronté l’administration Tanzanienne, à Dar Es Salam, nous croyions avoir tout vu. Et bien non : d’abord un test covid, dont le résultat se fait attendre, ensuite un inscription électronique obligatoire, mais difficile sans téléphone et sans wi-fi. Enfin passage de l’officier de santé qui a su se faire attendre pour faire remplir un nouveau questionnaire. Puis passage de l’immigration, nouveau questionnaire, toujours identique aux précédents et au questionnaire électronique ; c’est le tour de la police avec un nouveau questionnaire. Pour finir il faut prendre un taxi pour aller aux douanes : le guichet bas, contraint le demandeur à se mettre à genoux pour rédiger son papier. La responsable tatillonne ne supportait pas mon écriture et m’a fait recommencer mon formulaire ; je me croyais à l’école primaire.


Gentils donc mais sachant se faire attendre. Je n’ai dû mon salut qu’à l’horloge de fin de service. Ouf, après 48 h d’attente, c’est fini. Le chemin du retour passe par le bien nommé supermarché.

Yann Quenet : L’atelier des bateaux bizarres


Yann. Peu après notre arrivée au bassin de la capitainerie, apparaît un petit bateau, voilier de 4 mètres, remorqué par la sécurité en mer. Il s’agit de Yann Quenet, parti de Saint Brieuc, à bord d’un bateau construit par lui-même, avec de nombreux matériaux recyclés. Une voile sur mat qui s’enroule, tout au plus simple.

Article Voiles & Voiliers Yann Quenet

Yann a donc fait le tour classique par les Canaries, le canal de Panama franchi sur une camionnette à défaut de remplir les conditions requises pour le canal : pas de moteur, équipage de 4 personnes au min… Puis la Nouvelle Calédonie ; pas l’Australie, fermée pour cause de covid. Il arrivait donc de la Réunion, avait eu des difficultés à rentrer au port en raison du fort courant et de l’absence de vent. Personnage sympathique, plutôt discret, ne cherchant ni l’exploit ni la notoriété, il fait pourtant parler de lui. Nous l’avons remorqué jusqu’au Yacht Club Zululand (voir photo sur le site de Voiles et Voiliers).


Au Zululand Yacht Club nous avons la chance de bénéficier d’un superbe magasin d’accastillage qui contribue aux réparations : hublot, tangon, stabilisation des barres de flèche, et divers équipements. Nous n’avons pas connu cela depuis Port Leucate. Toujours est-il que l’accueil au club est tout à fait sympathique. Le capitaine du club s’est chargé de contacter une voilerie à Durban pour la réparation de notre génois. Le club est très convivial, équipé de bars, et de restaurant. Nous sommes installés sur une bouée dans une sérénité totale.

Les oiseaux le matin, les grillons le soir.

Les Oiseaux